Hommage à Fitoussi par Pierre Dehez

Pierre Dehez, le 27 avril 2022

La nouvelle du décès de Jean-Paul Fitoussi nous a tous profondément émus et attristés.

J’ai rencontré Jean-Paul en juin 1982 à l’Institut Universitaire Européen de Florence, lors d’un entretien à l’issue duquel j’ai été engagé comme professeur assistant. J’avais d’autres opportunités, mais le charme de Jean-Paul a opéré de manière décisive, bien plus que l’intérêt que pouvait représenter Florence. Dès mon arrivée en janvier 1983, nous avons commencé à travailler ensemble et notre collaboration s’est poursuivie au-delà de notre période florentine, à l’OFCE, jusqu’au début des années 2000.

La découverte de l’ouvrage Modern macroeconomic theory qu’il a édité en 1983 fut une révélation pour moi qui suit, avant tout, un microéconomiste. Il est l’auteur du premier chapitre, qui reprend le titre de l’ouvrage et offre une synthèse tout à fait remarquable. L’identité des auteurs des autres chapitres est tout aussi remarquable, John Hicks, Axel Leijonhufvud et Edmond Malinvaud, pour n’en citer que trois. C’est sur cette base que notre collaboration a démarré et s’est développée. Je resterai redevable à Jean-Paul de m’avoir permis de poursuivre les idées contenues dans ma thèse de doctorat au travers de plusieurs articles coécrits avec lui. C’est aussi grâce à lui que j’ai pu rencontrer deux macro-économistes importants, Axel Leijonhufvud et Edmund Phelps, au travers des nombreux séjours qu’ils ont faits à Florence.

Parmi les articles que nous avons coécrits, il y en est un qui me tient particulièrement à cœur, Revenu minimum, allocations-chomage et subventions à l’emploi, paru en 1996 dans le Revue économique. Il est lié à un économiste parfois méconnu, Georgescu Roegen. Ce dernier avait très tôt soulevé la question de la survie dans le cadre du modèle d’équilibre général Arrow-Debreu, dans un article intitulé Limitativeness and economic equilibrium paru en 1955, article qui fut rejeté par les “bonnes” revues de l’époque et finalement repris dans un ouvrage paru en 1967.

Ce fut pour moi une chance d’avoir connu Jean-Paul. Nous avons accumulé de nombreux souvenirs, certains sérieux et d’autres festifs. Au-delà de nos discussions, je pense à la gastronomie italienne dont nous étions friands, et aussi à son sens de l’humour, légendaire. Un vrai régal !